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E-Retail Media : les enjeux et impacts sur les organisations

14 minutes

Virginie Chollois, Marketing & Communication Manager Senior & Nicolas Trannoy, Directeur Marketing & Business Insight chez Lucky cart. 22.08.2022

Organisation, organigramme, flux de travail.

Notion encore assez récente, mais pas si nouvelle que ça, le E-Retail Media est un outil en forte croissance grâce à l’intérêt toujours plus grand des marques et à l’adhésion brusquement accélérée aux achats online en grande consommation par les shoppers. Signe de son importance grandissante, il s’inscrit de plus en plus dans la relation entre distributeurs et industriels. Des marques plus matures et exigeantes, des shoppers au rendez-vous, l’histoire qui s’écrit peut être belle. Mais alors, pour quels enjeux et avec quelles organisations l’écosystème E-Retail Media devra faire face pour s’adapter aux besoins du shopper ?

E-Retail Media : ultra-connecté, ultra-réactif et ultra-rapide.

Le E-Retail Media est tout simplement un outil de notre époque. Tout change vite, l’offre proposée est de plus en plus grande, la multiplicité des acteurs disrupte le marché mais surtout les shoppers sont ultra-connectés, ultra-sollicités et volatiles. Le changement fondamental est justement… la rapidité de ces changements ! Ils s’enchaînent les uns à la suite des autres, avec de nouveaux outils, plus rapides eux aussi, mais les organisations côté business ont du mal à s’ajuster.

Concrètement, le E-Retail Media permet aux marques depuis quelques années de communiquer au plus près de l’acte d’achat et surtout de manière précise et ultra-rapide. Le laps de temps entre la vue d’une pub TV ou papier et la visite en magasin parait incroyablement long comparativement à la quasi-instantanéité en E-Retail Media. De la même manière, les têtes de gondoles qui doivent parler au plus grand nombre paraissent obsolètes en comparaison de bannières e-commerce adaptables à chaque shopper. On sent là encore rapidement que le potentiel pour communiquer de manière plus pertinente et surtout dans les moments cruciaux avant l’acte d’achat est incroyable.

De plus, il est plus facilement analysable, et plus rapide à modifier ou adapter. Changer une copie TV ? Modifier une TG ? Impossible, trop cher, trop long… Complexe. Analyser en temps réel ou à quelques semaines de la fin d’une action ? Maintenant, c’est possible. Mécaniquement, le E-Retail demande un plus grand nombre de décisions, à un rythme plus rapide que les outils médias classiques. Certes, les coûts sont également plus attractifs, mais il demande une attention spécifique.

Un outil qui arrive au bon moment pour réenchanter le parcours d’achat.

Selon une étude d’Accenture de 2021,

66%

des français affirment qu’une publicité ciblée est plus susceptible de les convaincre d’effectuer un achat.

Avec l’omnicanalité, le E-Retail Media s’impose plus que jamais : les clients consultent désormais les produits via leurs smartphones, leurs tablettes… Et une fois rentrés chez eux, ils effectuent leurs achats sur leur desktop pour récupérer leurs courses le lendemain. Bien entendu, il existe de fortes différences d’implication du shopper entre l’alimentaire et le non-alimentaire, mais cette omnicanalité implique effectivement des parcours d’achat de plus en plus complexes, spécifiques, voire sur mesure.

Oui, mais nous sentons tous que le marketing classique ne suffit plus à convaincre le shopper. Le nombre de « touchpoints » a explosé, le parcours média est totalement fragmenté, le nombre d’incitations à l’achat ou de produits est devenu quasi-infinie. Il s’ensuit une saturation complète : noyé à travers des milliers de campagnes publicitaires, le shopper rejette massivement la publicité traditionnelle. Parce que plus finement ciblé, le E-Retail Media jouit d’une meilleure réputation et acceptation de la part des consommateurs.

Selon une étude McKinsey de 2021,

76%

ont déclaré que la réception de communications personnalisées étaient un facteur clé pour les inciter à considérer une marque, et 78 % ont déclaré que ce type de contenus les rendaient plus susceptibles de racheter.

D’ailleurs, l’explosion continue des budgets promotionnels confirme que la communication de masse classique ne fonctionne plus aussi efficacement depuis déjà quelque temps. Les conséquences sont nombreuses, les shoppers sont incités à acheter en quantité trop importante pour leur consommation réelle, les impacts en termes de production, logistique, déchet plastique et papiers sont gigantesques.

Ne nous trompons pas : l’enjeu autour du E-Retail média pour la grande consommation est stratégique. Les shoppers évoluent de plus en plus vite et de manière de plus en plus spécifique. Il ne s’agit plus de cibler quelques groupes d’individus par ci par là mais bien de tendre à l’ultra personnalisation afin de rester pertinent, agile et utile pour les shoppers. Tendance qui pointe déjà le bout de son nez… Et nous le savons tous, dans la grande consommation, l’intérêt des shoppers peut être faible : peu de shoppers vont faire des recherches pendant des heures sur des produits ménagers ou du papier absorbant. Dans l’alimentaire, les shoppers cherchent surtout les impacts de tel aliment ou tel composant pour la, les shoppers sont devenus plus méfiants ; Les scandales alimentaires n’aidant pas. Il s’agit donc de mieux comprendre les shoppers, de communiquer de manière convaincante et lui proposer les offres et produits pertinents au bon moment pour in fine (re)créer de la confiance. Côté distributeur, cela représente une opportunité unique de monétiser son audience et de développer une activité très lucrative. Les pure players ont plus de pratique et ont pris de l’avance dans le domaine.

Pourtant, les budgets annuels et la priorité de ces investissements e-média restent relativement faible, alors que :

À ceux qui pensent que le drive n’est que “cannibalisant”, NielsenIQ apporte un éclairage intéressant : 11 % des clients Leclerc Drive ne sont pas clients du magasin. Pas neutre !

De là à imaginer que le drive soit un circuit de… recrutement (surtout quand on propose les prix les plus bas), il n’y a qu’un pas !

– Olivier Dauvers

Un outil plus rapide et plus flexible.

Le Retail Media version 2022 est bien loin des standards qui se pratiquaient il y a 10 ans. L’analyse de la data est la principale différence. Les données elles-mêmes ne sont pas forcément nouvelles ou révolutionnaires, mais les outils permettant de les analyser ou de les exploiter à une échelle de masse changent profondément les perspectives. En se rapprochant voire en incluant l’acte d’achat, les analyses de campagnes deviennent plus exploitables et actionnables d’un point de vue business.

Le E-Retail Media impose 2 changements majeurs, liés une fois encore à la vitesse : d’une part une plus grande rapidité de mise en place des campagnes E-Retail par rapport aux médias traditionnels et d’autre part la rapidité d’analyse de ces mêmes campagnes permettent de réagir ou de tester de manière rapide et efficace. Ne nous voilons pas la face, il est clair qu’il reste beaucoup de travail pour pouvoir comparer les différents outils E-Retail, mais il est également clair que des analyses fines, fiables et rapides sont disponibles comme jamais auparavant. En termes de granularité, il est possible de descendre jusqu’au niveau de l’EAN. Bien entendu, les effets de masse continuent de rentrer en ligne de compte (par exemple un EAN avec un très faible volume de ventes ou peu distribué reste difficile à analyser – on ne fait pas toujours des miracles !), mais cela semblait impensable il y a seulement 5 ans.

La croissance soudaine a pris de court les organisations.

En passant d’outil à potentiel intéressant dans 3 à 5 ans à priorité stratégique pendant les confinements, le E-Retail Media a connu une évolution ultra-rapide laissant peu de temps aux organisations de s’adapter, voire de comprendre plus précisément comment l’utiliser dans le marketing mix et d’investir au mieux. Étant au croisement de plusieurs métiers, équipes, organisations et même savoir-faire, le E-Retail Media n’a pas vraiment d’équipe dédiée, sans parler tout de suite de budget clairement identifié… Prenons un peu de recul. 

Hier encore, j’avais vingt ans… Mais aussi et surtout les organisations marques et distributeurs étaient synchronisées : il y avait une équipe marketing, une équipe trade, des fiches de postes établies et un seul moyen de vente : le magasin physique.
Le catalogue produit, les campagnes promotionnelles, les activations, les campagnes de prospectus… Tout était conjointement orchestré pour séduire le shopper dans les grandes surfaces alimentaires. Certes, au quotidien le niveau de complexité et les efforts nécessaires pour tout faire fonctionner étaient très importants, mais cela fonctionnait de manière efficace. Les marques s’occupaient de la communication en amont, en dehors du magasin, puis c’était le tour des distributeurs de prendre le relais une fois le shopper entrant dans le magasin jusqu’à la vente éventuelle. Oui, mais ça, c’était hier ! 

Pour le E-Retail, qui est responsable ? Est-ce le marketing dans la mesure où il s’agit de mise sur le marché et de communication ? Ne serait ce pas plutôt les category managers, ce sont bien eux qui sont responsables de développer le chiffre par enseigne ? Mais nous parlons bien de e-commerce, du coup, c’est le rôle du responsable e-commerce au niveau national, non ? Bon, bon, mais au moins, nous savons de quel budget cela dépend… ou pas ?

D’une part, cela prend toujours du temps pour une organisation de s’adapter, mais d’autre part, dans le cas du E-Retail Media, nous sommes confrontés à un outil véritablement hybride : quand il fonctionne au mieux, il est la dernière étape avant l’acte d’achat. Est-ce uniquement du média ? Ou bien un levier d’achat au même titre que du coupon, voire même de la promotion ? Est-ce uniquement un outil tactique en fin de funnel ? Ou bien le fait de pouvoir le personnaliser voire de l’ultra-personnaliser permet-il de travailler le “top of mind awareness” à chaque visite en magasin ? On voit rapidement que le E-Retail Media pose beaucoup de questions et surtout ouvre de nouvelles opportunités pour les marques et distributeurs.  

Comment faire pour construire un écosystème plus efficace ?

Pour saisir ces opportunités, les organisations doivent pouvoir se décider efficacement et rapidement.  Or, les silos restent bloqués à 2 niveaux. D’abord, les nouveaux métiers du digital (SEO, SEA, E-CRM, conversion, voire Data scientist) sont intégrés dans des organisations plus matricielles, les équipes étant tenues de rendre des comptes à plusieurs directions : marketing, trade, e-commerce et la responsabilité du budget varie énormément d’une société à une autre. D’autre part, la répartition des rôles et responsabilités entre marques, équipes clients, agences médias, régie et adtech est pour le moins flou avec beaucoup d’intervenants et de “strates” avant de prendre des décisions. Les discussions sur le E-Retail sont souvent très opérationnelles et court termiste alors que les outils peuvent être stratégiques, travailler l’image de marque sur le long terme et plus pertinent pour les jeunes générations que les média traditionnels.

« Il y a encore aujourd’hui beaucoup d’entreprises, qui souvent faute de ressources, confient ce nouveau canal
– qui a ses propres défis – à un service existant ou à un employé dont ce n’est pas toujours le métier ni l’objectif premier. Or on le sait, avoir une équipe e-commerce dédiée c’est faire plus de la moitié du chemin en se donnant réellement les meilleures chances de réussir sa transition numérique »

– Laurent Broncard, responsable de la marketplace Amazon

Comment tirer parti au mieux de ces nouvelles opportunités ?

L’écosystème E-Retail grande consommation a besoin de se structurer. Rien de surprenant jusque-là, c’est un nouvel outil, à la fois média et vente, qui repose sur des technologies complexes et évoluant très rapidement. Le besoin central est de générer de la confiance dans l’écosystème, et donc d’établir des organisations plus synchronisées et efficaces. Pour se faire 3 challenges sont à relever :
1. Inclure le e-retail dans les discussions stratégiques et de planification avec un horizon de temps à 12 – 18 mois minimum. Cela permettra de traiter des questions de fond pour tirer le meilleur parti du e-retail. Par exemple, comment utiliser la complémentarité des outils E-Retail pour créer un e-marketing mix spécifique ? Comment utiliser l’ultra-personnalisation pour le e-commerce au-delà de la mise en avant et probablement se diriger vers des promotions ultra-personnalisées ?

2. Aligner l’écosystème sur des mesures de performance e-retail plus fiables et permettre une meilleure compréhension des méthodes de calcul. De par le nombre d’acteurs adtech aujourd’hui, il y a quasiment autant de mesures que d’outils. Oui c’est une exagération, mais entre les types de source et les méthodes de calcul, il est difficile de s’y retrouver. En version synthétique, il existe 3 méthodologies : i) comparaison de périodes (par exemple période de campagne vs N-1 ou une moyenne des périodes précédentes), ii) modélisation (utilisation de systèmes neuronaux incluant des données de pression média, ventes, prix, promotion) et enfin iii) A/B test qui permet d’isoler au mieux l’effet d’une campagne (au moins 2 groupes avec un groupe témoin qui n’est pas exposé à la campagne et un autre groupe qui est exposé, toutes les autres conditions étant égales par ailleurs). Les organisations acheteuses doivent mieux comprendre les avantages et inconvénients de ces méthodes et les adtechs doivent être plus transparentes sur les méthodes réellement utilisées.

3. Utiliser au mieux les data shoppers pour créer une proximité avec le shopper grande consommation. La quantité de données shopper est simplement vertigineuse et augmente de manière exponentielle. Bien entendu, le cadre RGPD pose des garde-fous, il n’en demeure pas moins que les possibilités sont incroyables. L’horizon est bien de comprendre le shopper grande distribution aussi bien ou mieux que le commerce de proximité, et de pouvoir proposer au shopper des services/offres sur mesure et la communication adéquate. Certes, le réflexe premier est d’utiliser ces données pour améliorer les outils connus : données shopper pour affiner le ciblage TV ou off-site. Le potentiel réel est vraisemblablement plutôt sur une ultra personnalisation en temps réel, du message, de l’assortiment, du prix, des offres, du look du site e-commerce ou sur un travail de fond pour travailler la fréquence d’achat (plutôt que l’illusion de la loyauté) avec des outils de prédictions.

Pour chacun de ces challenges, il s’agira d’un effort commun de tout l’écosystème E-Retail : distributeurs, régies, agences, adtechs, marques pour mieux se coordonner, mieux comprendre les enjeux, les difficultés et in fine répondre aux besoins de notre patron à tous : le shopper. Il n’y a pas de solution miracle en termes d’organisation, cela dépendra évidemment des stratégies de chacun. En revanche, pour parvenir à construire une stratégie pertinente, il faut mettre autour de la table les acteurs plutôt que de maintenir les silos marques / agences / régies / adtech. 

Vous l’aurez compris, chez Lucky cart nous sommes passionnés par ces challenges et notre porte est ouverte pour en discuter et faire avancer les organisations . Alors c’est pour quand cette organisation E-Retail stratégique et efficace ? 

Sources : 
* Etude Harris Interactive – août 2020. 
* Etude McKinsey & Company – novembre 2021

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